Mardi 1er mars

 

Moins deux degrés, l’hiver reprend ses droits.

Quand je descends vers l’atelier, la vieille barrière attend déjà les restaurateurs. Tel notre « Regerat » de St Martin des Bois, après quelques coups de marteau ou de chauffe bien placés, Youssef-Joseph a vite fait de lui redonner une forme acceptable. Mais qu’il me prenne aussi pour un « Regerat » et me confie des soudures acrobatiques, me met déjà moins à l’aise.

Le soleil revient vite, Eugène, Stéphanie et Brigitte s’ingénient toujours à me proposer de nouveaux cadavres de petit mobilier, mon stock de cornières et de vis touche à sa fin.

Ben-Ali(un voisin) nous apporte des radis de son jardin, un exploit pour la région, qui nous régaleront ce midi « sortons le beurre avant le carême »

Dimanche, Mohamed, le voisin qui habite dans l’enceinte du monastère,a apporté quelques galettes et nous a invités pour ce soir. Grande joie pour tous ici, car malgré les liens étroits avec la communauté, le covid avait stoppé les rencontres depuis deux ans.

Afin de respecter le temps de la prière à laquelle invite l’appel du muezzin -relayé par les hauts parleurs publics 5 fois par jour-, nous ne partons qu’à 19h.Tout juste le temps d’admirer le ciel étoilé et les lumières dans la montagne, et déjà nous arrivons chez Mohamed qui nous souhaite la bienvenue. Différente de celles déjà visitées, la maison est vaste et l’intérieur finement aménagé. Visiblement, on a mis les petits plats dans les grands pour nous recevoir : tables basses copieusement garnies de spécialités « maison », petits tabourets ou canapés autour.

Mohamed, (qui travaille dans un groupe pétrolier à Médéa comme comptable), nous présente sa famille:,son épouse, ses deux filles étudiantes (l’aînée est en 4ème année de médecine), son garçon de 13 ans, son frère Moussa qui échangera beaucoup avec Stéphanie en arabe.

Après l’arira (sorte de soupe chorba dont Mohamed nous dit faire son régal les soirs de ramadan), un copieux couscous accompagné de rechta (spaghettis ultra fins) sera apprécié de tous, n’oublions pas qu’on est « mardi gras »

.Les femmes, (sauf notre étudiante en médecine), n’auront pas de couvert sur notre table, mais reviendront très vite pour passer la soirée avec nous. Pour toutes, le foulard semble de rigueur.

Très vite,Mohamed nous ouvre son cœur et ses souvenirs pour nous partager ce qu’il à vécu ici depuis plus de 40 ans, et plus particulièrement pendant les années noires autour de ce monastère et de ses moines.

Plus que sur tous les livres parcourus, en une soirée,nous avons mieux compris pourquoi les moines avaient choisi de rester quoiqu’il en coûte, et les liens très forts qui les unissaient aux gens du village,.

Tous les événements importants -les joies comme les peines-des uns étaient partagés par les autres. Mohamed exhibe alors toute une série de photos soigneusement conservées : le repas de son mariage à l’école du village, les fêtes familiales où l’un ou l’autre des moines participait, les temps forts du monastère, le périple de Mohamed en France guidé par frère Christophe, à travers Aiguebelle, Tamié, les Dombes, les visites aux familles des moines. De tout ce passé, Mohamed garde précieusement des archives qu’il nous fera partager sans amertume.

La chaleur de l’accueil n’est pas un vain mot, ni la notion de frère si souvent utilisée, quand Mohamed dit remercier Dieu pour cette rencontre.

A plusieurs reprises, Mohamed insistera sur ce manque d’humanité à travers les hommes qui conduit à la guerre.

Spontanément, il prendra congé un moment pour le temps de la prière.

Faut-il chercher ailleurs ce Mohamad cité par Christian de Chergé :  « je l’ai trouvé un soir,priant à la chapelle, depuis nous nous retrouvons de temps en temps pour creuser notre puits, et y trouver….l’eau de Dieu »

Oserons-nous encore opposer chrétiens et musulmans, ou devons-nous plutôt nous reconnaître chercheurs de Dieu, par des voies différentes.

Cette rencontre, ces partages,nous ont aussi bouleversés par leur profondeur, le mot « rencontres » utilisé pour cette année, prend ce soir son vrai sens.

 

Tous chez Mohamed

On essaie les cachabias

La pause café de dix heures

Avbant de se quitter

Carrelage de la terrasse

A la cuisine

Témoins du passé agricole du lieu